Progetto InnocentI

Révisions de procès : seules douze erreurs judiciaires reconnues à ce jour

 

Farid El Haïry et son avocat, Franck Berton, à l’audience de la cour de révision le 15 décembre 2022.

C’est le douzième cas connu de révision d’une condamnation aux assises depuis 1945. Jeudi 15 décembre, la cour de révision de la Cour de cassation a pris la décision rarissime d’annuler une condamnation criminelle : celle pour viol sur mineure prononcée en 2003 contre Farid El Haïry, qui a passé près d’un an en détention pour un crime qu’il n’a pas commis. Cette décision fait suite à la rétractation de son accusatrice, qui a reconnu en 2017 avoir inventé les faits.

Douze réhabilitations

  • 2022 : Farid El Haïry

En 1998, une lycéenne de 15 ans, Julie D., avait accusé Farid El Haïry, 17 ans, de viol et d’agression sexuelle. En 2003, il avait été condamné par la cour d’assises des mineurs à cinq ans d’emprisonnement, dont quatre ans et deux mois avec sursis, une peine qui couvrait sa détention provisoire. Mais quinze ans plus tard, en 2017, Julie D. avait écrit au procureur, pour avouer avoir inventé cette histoire. Elle affirmait s’être « enfermée dans [son] propre mensonge et coincée dans l’emprise du secret familial », évoquant les incestes répétés de la part d’un frère aîné lorsqu’elle avait entre 8 et 12 ans.

Le 15 décembre 2022, la cour de révision a reconnu l’innocence de Farid El Haïry, aujourd’hui âgé de 41 ans, et annulé sa condamnation pour viol sans nouveau procès. Son nom sera supprimé de tous les fichiers policiers et judiciaires et la mention à son casier judiciaire sera définitivement effacée.

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  • 2015 : Christian Iacono

A l’issue de son procès en révision devant la cour d’assises du Rhône, Christian Iacono a été acquitté le 25 mars 2015. L’ancien maire de Vence (Alpes-Maritimes) avait été condamné en 2009 pour le viol de son petit-fils durant deux ans à la fin des années 1990. Le jeune homme est revenu sur ses accusations en 2011 et a avoué avoir « inconsciemment menti », influencé par des conflits entre son père et son grand-père. Le 18 février 2014, la cour de révision a annulé la condamnation de l’ancien élu, qui a passé onze mois en prison.

  • 2014 : Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri

La cour de révision a annulé le 15 mai 2013 la condamnation de deux Marocains à vingt ans de prison pour le meurtre d’un dealeur en décembre 1997 à Lunel. En 2011, le revirement d’un témoin et la découverte de traces d’ADN ont orienté la justice sur deux autres suspects, qui ont été condamnés dans cette affaire. Abdelkader Azzimani, 47 ans, et Abderrahim El-Jabri, 46 ans, ont été acquittés à l’issue de leur procès en révision le 3 juillet 2014 devant la cour d’assises du Gard.

  • 2012 : Marc Machin

Accusé d’avoir poignardé Marie-Agnès Bedot en 2001 sous le pont de Neuilly, le jeune homme de 19 ans est condamné et incarcéré. En 2008, un SDF avoue le meurtre, et Marc Machin sort de prison. il faudra attendre 2010 pour que la cour de révision annule sa condamnation, et encore deux ans de plus pour qu’il soit réhabilité.

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Il a ensuite été jugé et condamné en 2021 à seize ans de prison pour un viol commis à Paris en 2018 sous la menace d’une arme.

  • 2011 : Loïc Sécher

A la fin de 2000, une adolescente de 14 ans accuse Loïc Sécher de viols et d’agressions sexuelles. Il est condamné en 2003 à seize ans de réclusion. Mais, en 2008, la jeune femme avoue avoir menti. Après un procès en révision, il est innocenté et obtient près de 800 000 euros de dédommagement.

  • 2002 : Patrick Dils

Accusé d’avoir tué deux enfants à Montigny-lès-Metz, l’apprenti cuisinier devient, à 19 ans, le plus jeune condamné à perpétuité en 1989. En 1998, la présence sur le lieu du crime du tueur en série Francis Heaulme est prouvée. Il faudra trois recours en révision pour innocenter Patrick Dils. Quand il sort de prison, à 31 ans, il a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux.

  • 1999 : Rida Daalouche

Ce Tunisien est condamné à quatorze ans de prison pour le meurtre d’un dealeur dans un bar de Marseille en 1991. Ses proches parviennent à prouver en 1997 qu’il suivait une cure de désintoxication au moment des faits. Il est alors libéré, puis acquitté en 1999, mais la justice refuse de l’indemniser.

  • 1985 : Guy Mauvillain

Condamné pour le meurtre d’une vieille dame à dix-huit ans de réclusion en 1975, l’accusé nie. Le procès a été expéditif : pas d’arme retrouvée, pas d’autopsie du corps. Après deux recours refusés, un nouveau procès est ouvert. Soutenu par plusieurs personnalités, dont Haroun Tazieff et Yves Montand, il est acquitté en 1985.

  • 1985 : Roland Agret

Condamné à quinze ans de réclusion en 1973 pour l’assassinat d’un garagiste, il ne cesse de clamer son innocence : il se lance dans une grève de la faim, escalade le toit de sa prison et va même jusqu’à se couper deux doigts en protestation. Il obtient la révision de son procès et son acquittement en 1985. Depuis, il a fondé une association, Action justice, destinée à épauler des victimes d’erreurs judiciaires. En 2006, il se tire une balle dans le pied pour réclamer une indemnisation.

  • 1969 : Jean-Marie Deveaux

Ce garçon boucher est condamné à vingt ans de réclusion en 1963 pour l’assassinat de la fille de ses patrons dans la banlieue de Lyon. Il avoue lors de l’instruction, puis se rétracte à l’audience. En prison, il tente de suicider. Il est rejugé après révision et acquitté en 1969.

  • 1955 : Jean Deshays

Ce docker accusé d’avoir assassiné un fermier est condamné à vingt ans de travaux forcés en 1949. Les véritables auteurs du crime sont découverts en 1952 et condamnés en 1954. Le « bagnard innocent » est alors rejugé après révision de son procès.

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Des affaires célèbres rejetées par la cour de révision

  • Omar Raddad

En 1991, Ghislaine Marchal avait été retrouvée morte, poignardée, à son domicile de Mougins (Alpes-Maritimes). La phrase « Omar m’a tuer », écrite en lettres de sang sur une porte, avait fait porter les soupçons sur son jardinier marocain, Omar Raddad. Condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle en février 1994, il avait été gracié partiellement en 1996 par le président, Jacques Chirac, et libéré en septembre 1998, après sept ans de prison. Mais, malgré plusieurs traces d’ADN d’autres individus retrouvées sur les lieux du crime, la cour de révision avait rejeté une première requête en 2002. Le 13 octobre 2022, la commission d’instruction de la cour de révision a rejeté la deuxième requête en révision dans cette affaire judiciaire, qui reste l’une des plus célèbres du XXe siècle.

  • Dany Leprince

Condamné en 1997 à la perpétuité pour le quadruple meurtre de son frère et de sa famille commis trois ans auparavant à Thorigné-sur-Dué (Sarthe), il clame son innocence et multiplie les recours. Plusieurs éléments nouveaux (notamment la découverte de l’ADN de son épouse sur un couteau) incitent la commission de révision à ordonner la libération de Dany Leprince sous contrôle judiciaire en juillet 2010, en attendant que la Cour de révision se prononce. En avril 2011, cette cour prend le contrepied de la commission et refuse d’annuler la condamnation. Dany Leprince retourne en prison. Une grâce présidentielle lui est refusée. Il est libéré à l’issue de sa peine de sûreté en avril 2012.

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  • Gaston Dominici

En août 1952, un couple de Britanniques est retrouvé mort près du village de Lurs (Alpes-de-Haute-Provence). L’enquête se concentre autour du « clan Dominici », une famille de paysans dont les membres s’accusent et s’innocentent tour à tour. Accusé par son fils Gustave, Gaston, 77 ans, est condamné à mort le 28 novembre 1954. Sa peine est commuée en réclusion à perpétuité en 1957, puis le général de Gaulle le gracie. Libéré en 1960, il meurt cinq ans plus tard. Une nouvelle instruction aboutit à un non-lieu en 1956. La famille demande plusieurs fois, en vain, la révision de son procès. L’affaire a notamment inspiré Jean Giono ou Orson Welles et a donné lieu à plusieurs fictions.

  • Raymond Mis et Gabriel Thiennot

Suspectés d’avoir tué un garde-chasse dans l’Indre en 1946, les deux hommes ont avoué, puis se sont rétractés, assurant que leurs aveux avaient été extorqués sous la torture. Ils sont condamnés en 1950 à quinze ans de travaux forcés jusqu’à ce que le président René Coty les gracie en 1954. Depuis, leur comité de soutien réclame leur réhabilitation. Cinq requêtes ont été rejetées entre 1980 et 1997. Thiennot est mort en 2003, et Mis, en 2009. La justice a rejeté en 2015 une sixième requête pour annuler les dépositions obtenues sous la torture. La loi sur la confiance dans l’institution judiciaire, adoptée en 2021, peut toutefois ouvrir la voie à une révision de procès lorsque des aveux ont été obtenus « à la suite de violences exercées par les enquêteurs ».

  • Guillaume Seznec

Condamné en 1924 pour le meurtre de Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, Guillaume Seznec ne cesse de clamer son innocence. Condamné au bagne sur l’île du Diable, en Guyane, il refuse une grâce présidentielle en 1933, espérant toujours être réhabilité. Après son décès, en 1954, sa famille, notamment son petit-fils, poursuit son combat. Treize demandes de réhabilitation sont rejetées. En 2006, la cour de révision rejette sa requête.

Une première version de cet article a été initialement publiée en février 2014.

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