Dils, Machin, Iacono… Les grandes erreurs judiciaires en France
FOCUS – Avant l’affaire Farid El Haïry, révisée jeudi 15 décembre, une dizaine de procédures de révision avaient abouti en France.
Réhabilité. Jeudi 15 décembre, l’affaire de Farid El Haïry était étudiée par la cour de révision. Cet homme de 41 ans avait été condamné en 2003 par la cour d’assises des mineurs de Douai pour «viol» et «agression sexuelle». Depuis, il ne cessait de clamer son innocence. Près de 20 ans plus tard, la cour de révision a accédé à sa demande de réhabilitation, la plaignante s’étant depuis rétractée.
La procédure en révision est la dernière chance d’un condamné. Cette voie de recours extraordinaire permet, dans des cas extrêmement limités, de réexaminer une décision définitive, c’est-à-dire une décision ne disposant plus d’aucune voie de recours. Elle peut être utilisée au civil comme au pénal, à condition que de nouveaux éléments apparaissent.
Farid El Haïry rejoint la liste des cas de révision criminelle ayant abouti. Parmi eux, Jean Deshas, Guy Mauvillain, Patrick Dils ou encore Marc Machin… Retour sur cette dizaine d’erreurs judiciaires qui ont marqué la France.
1955 : Jean Deshays
Le «Docker de Nantes». En 1949, Jean Deshays est condamné à 20 ans de travaux forcés après avoir été accusé d’avoir tué un fermier. En 1952, la police remonte, par hasard, la trace des véritables tueurs. Elle confirme alors l’innocence de Deshays, qui avait pourtant avoué. À cette époque, la procédure de révision est rarissime. Jean Deshays est le premier à être acquitté, en 1955.
Indemnisation : Jean Deshays obtient cinq millions de francs pour six années de prison.
1969 : Jean-Marie Deveaux
En 1961, le corps d’une fillette de sept ans est retrouvé dans un HLM à Lyon. Les soupçons se portent sur Jean-Marie Deveaux, le jeune apprenti boucher des parents de la petite fille. Il est condamné en 1965 devant la cour d’assises du Rhône à vingt ans de réclusion criminelle. L’affaire est finalement rejugée devant la cour d’assises de Côte-d’Or après révision. Il est acquitté en 1969.
Indemnisation : Jean-Marie Deveaux obtient 125.000 francs pour huit années de prison.
1985 : Roland Agret
En 1973, Roland Agret est condamné à quinze ans de réclusion criminelle pour l’assassinat d’un garagiste. Au cours de son incarcération, il ne cesse de clamer son innocence. Il entreprend une grève de la faim pendant plus d’un an et il s’ampute de phalanges de deux doigts, pour les envoyer au garde des Sceaux.
Après avoir été libéré par grâce présidentielle en 1977, il a obtenu la révision de son procès et est acquitté le 25 avril 1985. Jusqu’à sa mort, il n’a cessé de se battre contre les erreurs judiciaires, en fondant notamment l’association Action Justice et en menant des contre-enquêtes, notamment pour Dany Leprince, condamné à la réclusion à perpétuité pour un quadruple meurtre en 1994.
Indemnisation : Roland Agret a été indemnisé à hauteur de 500.000 euros.
1985 : Guy Mauvillain
Le 9 janvier 1975, une retraitée est retrouvée le crâne fracassé chez elle, à La Rochelle. À l’arrivée du médecin, elle est encore vivante, et pointe son agresseur : «C’est le mari de l’infirmière qui fait les piqûres, Madame Mauvillain». Même sans preuve matérielle, c’est Guy Mauvillain qui est condamné à 18 ans de réclusion par la cour d’assises de Saintes au cours d’un procès qui ne dure qu’une d’une demi-journée. Dix ans plus tard, et après six ans de prison, Guy Mauvillain est finalement reconnu innocent.
Indemnisation : Guy Mauvillain obtient une indemnisation de 400.000 francs pour six années de prison.
1999 : Rida Daalouche
En 1994, Rida Daalouche est condamné à 14 ans de prison pour le meurtre d’un revendeur d’héroïne dans un bar de Marseille, trois ans plus tôt. À l’époque, il avait été dénoncé par son cousin. Toxicomane et ayant des problèmes psychologiques, ses propos confus ne lui permettent pas de se défendre. Il est condamné à 14 ans de réclusion pour meurtre.
Finalement, sa famille retrouve un certificat médical qui atteste qu’il était en cure de désintoxication au moment du meurtre. Il est libéré en 1997 et acquitté en 1999.
Indemnisation : Rida Daalouche ne touchera pas d’indemnisation. La commission nationale d’indemnisation rejette sa requête, le jugeant responsable de son incarcération.
2002 : Patrick Dils
En 1986, deux enfants de huit ans sont retrouvés morts, tués à coups de pierre, le long d’une voie de garage de la SNCF. Patrick Dils, qui avait 16 ans à l’époque, est inculpé du meurtre des deux garçons. Il est condamné en 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d’assises des mineurs de la Moselle. Il devient alors le plus jeune condamné à perpétuité.
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Finalement, en 1997, on apprend que le tueur en série Francis Heaulme avait indiqué cinq ans plus tôt à la gendarmerie de Rennes avoir été présent à Montigny-lès-Metz le jour du double meurtre. Après trois recours en révision, Patrick Dils sort de prison à 31 ans. Il a passé près de la moitié de sa vie derrière les barreaux.
Indemnisation : Patrick Dils obtient un million d’euros après 13 années de prison.
2011 : Loïc Sécher
En 2000, Loïc Sécher, ouvrier agricole, est arrêté pour avoir violé à plusieurs reprises Émilie, une jeune fille de 14 ans. Alors qu’il clame son innocence, il est tout de même condamné en 2003, puis en appel en 2004 et en 2005 par la Cour de cassation, à 16 ans de réclusion criminelle. En 2008, la victime envoie une lettre au parquet général dans laquelle elle explique que Loïc Sécher est innocent. Il est finalement acquitté en 2011 après avoir passé sept années en prison.
Indemnisation : Loïc Sécher obtient 797.352 euros d’indemnisation pour ses sept années ans de prison.
2012 : Marc Machin, 18 ans de prison
On l’appelle «l’affaire du Pont de Neuilly». En 2001, Marc Machin est arrêté pour le meurtre de Marie Agnès Bedot à Paris. Alors âgé de 19 ans, il reconnaît les faits puis se rétracte, expliquant qu’il avait été soumis à une «pression psychologique» de la part des enquêteurs. Il est finalement condamné à 18 ans de prison.
En mars 2008, un sans-abri de 34 ans, David Sagno, se présente spontanément dans un commissariat de Paris pour reconnaître le meurtre du Pont de Neuilly, ainsi qu’un autre survenu en 2002. David Sagno est finalement mis en examen. Six mois plus tard, Marc Machin est libéré après une demande de suspension de peine.
Indemnisation : la justice lui a alors attribué à Marc Machin 663 320 euros d’indemnisation pour six ans et demi de prison.
2014 : Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri
En 1997, Abdelaziz Jhilal, un trafiquant de drogue de 22 ans, est retrouvé mort dans un fossé à Lunel (Hérault), frappé de 112 coups de couteau. L’enquête se tourne alors vers ceux qui lui avaient fourni cinq kilos de cannabis quelques heures plus tôt : Abdelkader Azzimani et Abderrahim El Jabri. Ils sont condamnés à 20 ans de réclusion en 2003, peine confirmée l’année suivante en appel.
Après avoir passé respectivement douze et treize ans en prison, ils bénéficient d’une libération conditionnelle en 2009 et 2011. L’ADN les disculpe. Les deux hommes sont acquittés en 2014.
Indemnisation : Azzimani reçoit 360.000, El Jabri 130.000 euros pour douze et treize ans de prison.
2014 : Christian Iacono
En 2009, Christian Iacono, ancien maire de Vence (Alpes-Maritimes), est condamné pour le viol de son petit-fils, entre 1996 et 1999, lorsque l’enfant était âgé de 5 à 8 ans. En 2011, le jeune homme revient sur ses accusations et reconnaît avoir menti, ayant été influencé par des conflits entre son père et son grand-père.
En 2014, soit trois ans plus tard, la cour de révision annule la condamnation de l’ancien maire, qui a passé onze mois en prison. Lors de son procès en révision en mars 2015, Christian Iacono est acquitté.
Indemnisation : Christian Iacono obtient plus de 700.000 euros d’indemnités pour onze mois de prison.